vendredi 4 novembre 2011

Autopsie

La ville
la ville tout autour
comme une grande bogue protectrice aux multiples épaisseurs
comme une gangue aux nombreuses stratifications
enveloppe suit protège les passants promeneurs (ou) travailleurs affairés seuls par deux par trois (ou) par flots entiers

tous les bruits de la ville (ou) la plupart d'entre eux (leur) sont familiers aucun qu'on ne puisse pas reconnaître dans la rumeur quotidienne qui parcourt les rues les avenues les places les boulevards les espaces verts les venelles les bâtiments
c'est le parti pris de l'osmose urbaine on ne vit ici que par pour et dans la ville qui absorbe et digère en un seul acte tous ceux qui y vivent travaillent séjournent déambulent s'arrêtent s'assoient repartent
baignés
par la pierre le béton le bois le métal le verre l'eau
transportés
par les bruits citadins le martèlement des pas le clapotis du fleuve contre les péniches le roulement continu des véhicules lâchés par l'enfilade des feux verts sur le bitume le cahotement caractéristique des pneumatiques à l'assaut des pavés antiques qui subsistent encore débordants d'aspérités maladroites d'angles pernicieux comme autant d'obstacles à la modernité d'un roulement feutré glissant sans soubresauts dans une souplesse maîtrisée
à petits pas ondulants
à grandes enjambées
à pas mesurés
à petits sauts contrôlés
à courses impromptues
à hanches chaloupées
à bassins figés
chacun avance en suivant son pas son rythme son ondulation (ou) sa fixité sur les parcours linéaires serpentants (ou) circulaires chacun imprime le poids de son corps léger-pesant aux itinéraires secrets qui germent dans les têtes et qui un jour peut-être

le vent se lève remuant les odeurs  titillant les muqueuses  endolories par une torpeur trompeuse soporifiées par le bercement chaotique de la ville par son chaos apprivoisé par son incessant bavardage par son inexorable mouvement par son frénétique ballet d'allées venues allées d'accélérations (et) de ralentissements
le vent se lève transportant les odeurs de la ville réveillant les muqueuses endormies qui reviennent aux senteurs
celles fades de l'eau clapotant le long des berges (ou) sur le flanc des bateaux
celles piquantes chargées de sel de sucre de soufre d'amoniaque des sur-le-pouce débordant des gargottes improvisées
celles lourdes après la pluie des parterres de fleurs des carrés de légumes des arbres (et) des haies rescapés entre les murs de quelques jardins citadins derrière les barrières des squares (ou) les hautes grilles des parcs
toute une nature quadrillée taillée emmurée empaquetée pesée millimétrée qui dégorge ses parfums de terre domestiquée de végétaux asservis jamais assouvis de grands vents
celles chaudes et suffocantes des cohortes humaines se bousculant aux portillons de tous les lieux publics qui rassemblent
celles insidieuses et persistantes dont on ne sait si elles sont bonnes ou mauvaises qui vont viennent se diluent sans jamais disparaître vraiment
celles surchauffées des pas qui battent les pavés dans une soif fébrile de ne rien perdre de tout fouler le moëlleux des pelouses la souplesse des allées la rugosité des rues 

sillonnée par nos baskets la ville prend des formes étranges aussi souples que nos chaussures dénouées
elle prend forme sous nos pas le long de nos itinéraires immuables elle se construit peu à peu dans nos cerveaux crénelés qui dressent leurs cartes d'état-major piquées de points de repères colorés comme autant de référents urbains incontournés et incontournables
elle se déforme sous nos pas le long de nos itinéraires de fortune au long cours de nos chemins de traverse de nos balades buissonnières en lambeaux de souvenirs flottants en petites merveilles d'un jour en surprises étonnées car ville dans la ville tous nos lieux de prédilection et souvent de hasard tissent le réseau complexe de nos identités citadines de nos secrets jardins de nos recoins personnels ceux qu'on ne partage que d'exception

Photo de mhaleph

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