dimanche 20 novembre 2011

Incident oculaire


douchée désinfectée pyjamisée charlottisée chaussonisée mains gélifiées pour parfaire la métamorphose conviée prestement à passer dans un vaste couloir vitré allongée sur un étroit chariot d'un drap blanc recouvert qui ne manque pas de faire penser à un linceul
dans la lumière blafarde du jour à peine né près des fenêtres donnant sur les étroits jardins rouillés humectés de l'automne finissant
attente
le dossier aussi attend verticalement adossé aux vitres sur le rebord intérieur des ouvertures
nous attendons dans un va et vient incessant dans l'affairement des débuts de journées quand les énergies encore fraîches s'appliquent avec célérité
la lumière glissante le long du couloir entraîne le chariot poussé vers la grande salle préparatoire où il finit sa course contre un mur
c'est pour plus tard ça peut attendre
d'autres fenêtres anciennes très hautes s'ouvrant sur les mêmes jardins d'humus humides distillent la même lumière atone
attente encore
pesamment en s'écrasant mollement tombent les gouttes dans l'oeil malade le fermer attendre la dilatation comment faire il ne cesse de se rebeller fermer les yeux les deux attendre combien de temps suffisamment pour dilater dilater dilater dilater dilate dilat dila dil di d conscience floue attendre laisser aller (et dormir)
entre deux somnolences les bruits alentours les mouvements qui se précipitent les conseils qui fusent lancés comme des bulles éclatant au-dessus des têtes
suivez mon doigt en haut en bas à droite à gauche fermez les yeux madame suivez ma main son ombre vous la voyez détendez-vous non monsieur vous ne vous levez pas attendez on s'occupe de vous restez tranquille celui-là c'est pour bientôt emmène-le
attente se poursuit
croisements des chariots ceux qui partent avec leurs chargements d'opérables ceux qui reviennent vides pour les suivants ceux qui dans la pièce mitoyenne arrivent chargés des opérés
les survivants
déplacements anonymes du plein au vide on est là on n'y est plus quelle importance les chariots roulent roulent roulent roulent toujours les arrivants arrivent repartent ou restent quelle importance l'un chasse l'autre
somnolence de l'attente tout s'estompe à nouveau c'est ainsi le monde flotte dilution de l'avant l'après et le pendant
roulement entre deux portes vitrées à petits carreaux un bout de couloir sombre d'autres chariots frôlés chassés-croisés de paroles échangées glissement feutré vers la salle opératoire
lumière éclaboussante voix ténue de l'anesthésiste qui s'active tout en expliquant bonjour discret des infirmières perfusée électrodisée tensionisée écranisée machinisée localement anesthésiée bétadinisée cerveau en alerte lente (vigilance réflexe) une autre voix s'élève celle du maître du magicien en chirurgie qui joue de la modestie mais qui manie l'humour à l'acide à l'emporte-pièce  à l'arrachée
aveuglée triturée désaveuglée
roulis du chariot qui tangue dans le couloir jusqu'à la salle d'observation alignés effets miroir observants observés nous attendons
attente toujours
pleurs cris battements de pieds et de mollets une observée se débat veut partir sait qu'elle n'a rien qu'elle va très bien s'obstine s'épuise pleure s'assoupit attend...
l'observant (seul) se démène... ils seront tous sortis bientôt...
et attendront vêtus d'être raccompagnés
chez eux

matinée du mardi 15 novembre 2011

Photo de mhaleph

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