dimanche 25 décembre 2011

Givre



cri strident de la nuit d'hiver traverse la campagne champs gelés  fruitiers figés  ruisseaux glacés flancs de la montagne aux sapins immobiles hautes sentinelles noires silencieux gardiens dans la haute nuit d'hiver
rien ne bouge hormis ce cri déchirant de la nature endolorie qui craque dans la nuit d'hiver
rien ne se voit sous le long masque de givre épendu au matin ouvrant sur la campagne de l'aube d'hiver

Photo de mhaleph

mercredi 21 décembre 2011

Regard sur trace...












traçabilité
lien
trace tracé traçage
du trait
qui suit le son le mot le regard
que suit le regard le son le mot
empreinte fondue
bien fondée
bien empreintée
bien appuyée
grottée
traçage tracé trace
de notre humanité qui du fond
des crevasses des failles des gouffres
surgit ressurgit
pochoir de nos urbanités préhistoriques
miroir de nos préhistoriques civilités
coup de pouce
emprunté à quelque humanoïde
du fond des traces
qui de son âge
scelle le sceau
des semblances si dissemblables
à des milliers de traces
de là
comme un chemin de pas
orné de mots muets
grottés

Photo de mhaleph

Ecrit à partir d'un fil conducteur en observant : trace... dans focale bis... et en relisant : Néolithique dans Chronique

dimanche 20 novembre 2011

Incident oculaire


douchée désinfectée pyjamisée charlottisée chaussonisée mains gélifiées pour parfaire la métamorphose conviée prestement à passer dans un vaste couloir vitré allongée sur un étroit chariot d'un drap blanc recouvert qui ne manque pas de faire penser à un linceul
dans la lumière blafarde du jour à peine né près des fenêtres donnant sur les étroits jardins rouillés humectés de l'automne finissant
attente
le dossier aussi attend verticalement adossé aux vitres sur le rebord intérieur des ouvertures
nous attendons dans un va et vient incessant dans l'affairement des débuts de journées quand les énergies encore fraîches s'appliquent avec célérité
la lumière glissante le long du couloir entraîne le chariot poussé vers la grande salle préparatoire où il finit sa course contre un mur
c'est pour plus tard ça peut attendre
d'autres fenêtres anciennes très hautes s'ouvrant sur les mêmes jardins d'humus humides distillent la même lumière atone
attente encore
pesamment en s'écrasant mollement tombent les gouttes dans l'oeil malade le fermer attendre la dilatation comment faire il ne cesse de se rebeller fermer les yeux les deux attendre combien de temps suffisamment pour dilater dilater dilater dilater dilate dilat dila dil di d conscience floue attendre laisser aller (et dormir)
entre deux somnolences les bruits alentours les mouvements qui se précipitent les conseils qui fusent lancés comme des bulles éclatant au-dessus des têtes
suivez mon doigt en haut en bas à droite à gauche fermez les yeux madame suivez ma main son ombre vous la voyez détendez-vous non monsieur vous ne vous levez pas attendez on s'occupe de vous restez tranquille celui-là c'est pour bientôt emmène-le
attente se poursuit
croisements des chariots ceux qui partent avec leurs chargements d'opérables ceux qui reviennent vides pour les suivants ceux qui dans la pièce mitoyenne arrivent chargés des opérés
les survivants
déplacements anonymes du plein au vide on est là on n'y est plus quelle importance les chariots roulent roulent roulent roulent toujours les arrivants arrivent repartent ou restent quelle importance l'un chasse l'autre
somnolence de l'attente tout s'estompe à nouveau c'est ainsi le monde flotte dilution de l'avant l'après et le pendant
roulement entre deux portes vitrées à petits carreaux un bout de couloir sombre d'autres chariots frôlés chassés-croisés de paroles échangées glissement feutré vers la salle opératoire
lumière éclaboussante voix ténue de l'anesthésiste qui s'active tout en expliquant bonjour discret des infirmières perfusée électrodisée tensionisée écranisée machinisée localement anesthésiée bétadinisée cerveau en alerte lente (vigilance réflexe) une autre voix s'élève celle du maître du magicien en chirurgie qui joue de la modestie mais qui manie l'humour à l'acide à l'emporte-pièce  à l'arrachée
aveuglée triturée désaveuglée
roulis du chariot qui tangue dans le couloir jusqu'à la salle d'observation alignés effets miroir observants observés nous attendons
attente toujours
pleurs cris battements de pieds et de mollets une observée se débat veut partir sait qu'elle n'a rien qu'elle va très bien s'obstine s'épuise pleure s'assoupit attend...
l'observant (seul) se démène... ils seront tous sortis bientôt...
et attendront vêtus d'être raccompagnés
chez eux

matinée du mardi 15 novembre 2011

Photo de mhaleph

vendredi 4 novembre 2011

Autopsie

La ville
la ville tout autour
comme une grande bogue protectrice aux multiples épaisseurs
comme une gangue aux nombreuses stratifications
enveloppe suit protège les passants promeneurs (ou) travailleurs affairés seuls par deux par trois (ou) par flots entiers

tous les bruits de la ville (ou) la plupart d'entre eux (leur) sont familiers aucun qu'on ne puisse pas reconnaître dans la rumeur quotidienne qui parcourt les rues les avenues les places les boulevards les espaces verts les venelles les bâtiments
c'est le parti pris de l'osmose urbaine on ne vit ici que par pour et dans la ville qui absorbe et digère en un seul acte tous ceux qui y vivent travaillent séjournent déambulent s'arrêtent s'assoient repartent
baignés
par la pierre le béton le bois le métal le verre l'eau
transportés
par les bruits citadins le martèlement des pas le clapotis du fleuve contre les péniches le roulement continu des véhicules lâchés par l'enfilade des feux verts sur le bitume le cahotement caractéristique des pneumatiques à l'assaut des pavés antiques qui subsistent encore débordants d'aspérités maladroites d'angles pernicieux comme autant d'obstacles à la modernité d'un roulement feutré glissant sans soubresauts dans une souplesse maîtrisée
à petits pas ondulants
à grandes enjambées
à pas mesurés
à petits sauts contrôlés
à courses impromptues
à hanches chaloupées
à bassins figés
chacun avance en suivant son pas son rythme son ondulation (ou) sa fixité sur les parcours linéaires serpentants (ou) circulaires chacun imprime le poids de son corps léger-pesant aux itinéraires secrets qui germent dans les têtes et qui un jour peut-être

le vent se lève remuant les odeurs  titillant les muqueuses  endolories par une torpeur trompeuse soporifiées par le bercement chaotique de la ville par son chaos apprivoisé par son incessant bavardage par son inexorable mouvement par son frénétique ballet d'allées venues allées d'accélérations (et) de ralentissements
le vent se lève transportant les odeurs de la ville réveillant les muqueuses endormies qui reviennent aux senteurs
celles fades de l'eau clapotant le long des berges (ou) sur le flanc des bateaux
celles piquantes chargées de sel de sucre de soufre d'amoniaque des sur-le-pouce débordant des gargottes improvisées
celles lourdes après la pluie des parterres de fleurs des carrés de légumes des arbres (et) des haies rescapés entre les murs de quelques jardins citadins derrière les barrières des squares (ou) les hautes grilles des parcs
toute une nature quadrillée taillée emmurée empaquetée pesée millimétrée qui dégorge ses parfums de terre domestiquée de végétaux asservis jamais assouvis de grands vents
celles chaudes et suffocantes des cohortes humaines se bousculant aux portillons de tous les lieux publics qui rassemblent
celles insidieuses et persistantes dont on ne sait si elles sont bonnes ou mauvaises qui vont viennent se diluent sans jamais disparaître vraiment
celles surchauffées des pas qui battent les pavés dans une soif fébrile de ne rien perdre de tout fouler le moëlleux des pelouses la souplesse des allées la rugosité des rues 

sillonnée par nos baskets la ville prend des formes étranges aussi souples que nos chaussures dénouées
elle prend forme sous nos pas le long de nos itinéraires immuables elle se construit peu à peu dans nos cerveaux crénelés qui dressent leurs cartes d'état-major piquées de points de repères colorés comme autant de référents urbains incontournés et incontournables
elle se déforme sous nos pas le long de nos itinéraires de fortune au long cours de nos chemins de traverse de nos balades buissonnières en lambeaux de souvenirs flottants en petites merveilles d'un jour en surprises étonnées car ville dans la ville tous nos lieux de prédilection et souvent de hasard tissent le réseau complexe de nos identités citadines de nos secrets jardins de nos recoins personnels ceux qu'on ne partage que d'exception

Photo de mhaleph

mardi 1 novembre 2011

L'impossible recul

   la vie                                 la maladie

de jour en jour je pousse la porte large jamais vraiment fermée de cette chambre où elle git échouée elle ne sait pas qu'elle y mourra le sais-je moi-même qui chaque jour pousse cette porte large que sais-je dans mon obscurité la vie n'est plus que ce couloir long et cette porte large que je pousse chaque jour pour la retrouver dans ses états de conscience intermédiaires
d'heure en heure pourtant d'infimes changements s'égaillent autour d'elle sortent d'elle envahissent la chambre débordante du flot inachevé inassouvi ininterrompu de ses souvenirs si lointains que ceux-là c'est sûr on a l'impression de ne les avoir jamais entendus que ceux-ci en effet sont inédits tout frais sortis de ce cerveau vivace encore qui semble répertorier ses fonds de bobines pour les enrouler in extremis sur le vieux projecteur et pour dérouler sans exception toutes les images connues et inconnues
remontent alors des scènes intimes des épisodes étranges des histoires enfouies toute une mémoire de dernière minute qui défile joyeusement dans l'inconscience du mal qui guette dans la légèreté enfantine de l'insouciance dans un regain d'énergie trompeur qui laisserait à penser qu'une sortie prochaine sans doute... si ce n'était la réalité d'un corps qui lâche de toutes parts tous ces contes anciens arrivent à fleur de lèvres et se déversent pêle-mêle demandant toujours plus d'attention comme si impalpablement l'échéance était sentie intégrée voire acceptée
je pousse la porte large de cette chambre paisible où s'écoule plus lentement le temps qui n'entre plus comme si chaque jour recommençaient les mêmes gestes réapparaissaient les mêmes mots s'entendaient les mêmes Bonjour et les mêmes Adieu à la place des Au Revoir
lentement doucement de jour en jour la porte large se fait plus lourde et plus lente à pousser large et épaisse elle facilite les passages les entrées et les sorties fatidiques elle assourdit les bruits les paroles les cris la douleur elle pèse alors de tout son poids et résiste à la poussée sous la main des visiteurs qu'elle semble peu à peu maintenir à distance
gardienne du sanctuaire elle s'imprime chaque jour plus pesamment contre la paume de la main elle revêt son rôle de passeuse vers ce crépuscule qui subrepticement grignote l'espace de la narration introduit les blancs les flous les embardés les confusions les petits délires internes mêlés aux réalités anciennes le crépuscule prend place dans les brèves somnolences dont on sort comme d'un cauchemar en sursaut la crainte aux yeux sans jamais (vouloir) savoir d'où l'on vient ce qu'on a vu senti pressenti la vie dans l'espace plus étroit de la chambre reprend son cours pour une heure ou deux peut-être moins pour s'interrompre dans l'épuisement et replonger aux sources du crépuscule qui s'est invité comme un hôte permanent l'air s'épaissit les sourires se font plus rares la conscience ténue encore d'une navigation à vue (progressivement incontrôlable) vers un espace dont on ne connaît pas les contours s'enracine la nervosité qui quelques jours plus tôt s'engouffrait dans de joyeux récits fait son lit et piétine dans la chambre ne trouvant plus d'exutoire
terrassé par l'épuisement le corps se plie se cabre se replie les lèvres désarticulent des propos fugaces à peine audibles et dans une demi-conscience articule la mort qui vient réalisant ainsi que dans cette chambre fermée ce lit sera la dernière couche où l'on dormira
la porte plus lourde qu'à l'accoutumée tôt dans le matin renaissant semble dans un ralenti fendre l'air figé de la chambre d'où les sons ne sortent plus le silence qui m'accueille me fige et m'accable elle n'est plus


                                                            le crépuscule                             la mort

Dessins de mhaleph, début Avril à début Novembre 2008


dimanche 21 août 2011

Deux ou trois choses en tête

Maison de Balzac à Passy
de page en page je plongeais dans les univers de Balzac je mis du temps à m'immerger dans Les Chouans je désespérais d'avancer bloquée dans cette lande bretonne qui de toutes parts m'encerclait comme elle encerclait les personnages
on en sort lentement et un récit émerge enfin

à l'identique Lucien héros des Illusions Perdues sort lentement de son crépuscule provincial pour être propulsé dans la lumière changeante incertaine capricieuse trouble de la capitale miroir de charme à travers lequel il affronte enfin la complexité du monde

de Balzac (si peu en odeur de sainteté en regard de Proust Flaubert ou Stendhal) qu'avais-je lu sinon quelques uns de ses ouvrages sans oublier l'incontournable Eugénie Grandet
quels souvenirs avais-je de ces lectures anciennes sinon qu'elles devaient se faire dans un cursus et que le reste (plus d'une centaine de titres ) ne serait par bribes qu'occasionnellement abordé feuilleté
j'en étais là de mes réflexions sur ce pilier incontournable de la littérature française (auteur prolixe qui malgré ma réticence à trop m'y attarder suscitait ma stupéfaction sinon mon admiration pour la colossale somme de travail effectuée) quand je tombais sur l'annonce d'une exposition à Passy dans La maison de Balzac au titre pour le moins troublant Moi Eugénie Grandet par Louise Bourgeois

Louise Bourgeois à la maison de Balzac
Louise Bourgeois c'était pour moi avant tout les araignées monumentales les installations coups de poing le travail de multiples matériaux (minéraux, fer, bois, textiles...) l'expressivité des mains quelques gouaches et aquarelles sur l'Extrême Tension du corps la justesse de ses propos lorsqu'elle précisait " ce qui est important c'est votre propre lecture que vous avez de l'oeuvre pas la mienne" les longues heures passées dans les lieux qui l'avaient célébrée peu de temps avant sa mort

Extrême tension
quel lien pouvait-il y avoir entre Louise et Eugénie quel lien unissait (secrètement) l'artiste indépendante adulée reconnue (certes tardivement) attendrissante et despotique de Louise Bourgeois : l'araignée, la maîtresse et la mandarine à l'obscure jeune femme privée de sa vie par un père despotique


tel était le lien la tyrannie du père toujours à fuir d'où son départ aux USA après la mort de sa mère la protectrice la passeuse de vie qui sans relâche retissant la toile endommagée délimitait un périmètre de survie
Eugénie Grandet dans ma mémoire ressurgissait pas à pas souvenir périssable de lectures lointaines qui me laissait comme un goût d'inachevé d'incertitude... une vie sans commencement ni fin... un sacrifice vain... un spasme d'étouffement et partir loin très loin après avoir furtivement refermé le livre
la fuir (car les personnages des livres nous hantent à notre inconscient défendant) l'oublier car son histoire me faisait mal à seize ans  à peine  en d'autres temps
Louise Bourgeois hôtesse hantée par Eugénie Grandet l'accueille et la berce jusqu'à faire sienne sa propre vie son temps son espace temps immobile lieu fermé
reminiscences des gestes cent fois mille fois infinités de fois répétés dans le vide
automatismes des tâches cachées derrière les rideaux tirés les volets clos de celles qui reviennent chaque jour comme un ouvrage de dame qu'Eugénie sortirait pour broder tisser coudre lisser chaque jour un peu plus sa rancoeur d'exister pour rien


sagement comme un grand défi une grande ironie de fin de vie où l'on ne peut assumer de grands travaux Louise Bourgeois dans la minutie est devenue brodeuse couturière assembleuse sculptrice de chiffons aquarelliste encre chineuse crayonneuse le fusain haut comme un scalpel prêt à mordre incisif et dérisoire pour honorer la vie perdue d'Eugénie Grandet ou peut-être pour la venger
tout un petit travail de précision dans lequel se décèle une proximité comme une passerelle jetée entre elles


Photos de mhaleph

vendredi 12 août 2011

Sur les bords du Léman

Ecrit à partir de la série photographique Au bord du lac sur Focale

Il est encore possible d’aller, par une belle matinée d’août, sur les bords du Léman pour savourer son calme et sa lumière. Ce lieu reste, malgré tout ce qui le rend célèbre, un petit havre de paix à qui sait y chercher et y trouver les endroits agréables aux bonnes heures de la journée.
Lorsque vous prévoyez de manger la féra du lac (poisson spécifique au Léman) il faut que vous alliez la chercher directement chez le pêcheur qui vous la vendra entière si vous la lui avez commandée la veille. Il l’aura pêchée spécialement pour vous et vous l’aura réservée. Sinon, il vous la vendra en filets, déjà préparés sur le bateau, sur lequel il pêche, prépare et vend.
La féra commandée ce jour-là sortait pratiquement de l’eau puisqu’il fallut attendre que le pêcheur revienne sur l’appontement. A la question : « Où est Petit Jean ? », la réponse est souvent la suivante : «  Ah ! à c’t’heure il est su’l’lac ! Faut l’attendre ! » Petit Jean étant l’un des pêcheurs bien entendu.
En effet, au bout d’un temps plus ou moins long, Petit Jean arrive avec sa pêche qu’il débarque prestement pour mettre son poisson au frais dans la baraque qu’il possède au bord de l’eau. Là, on conserve (peu de temps), on débite, on écaille, on coupe, on lève les filets et on vend aux malins qui connaissent l’endroit.
Bien entendu, si vous désirez un omble chevalier (autre poisson très spécifique du Léman) il faudra le commander (toujours au pêcheur) sans l’assurance de l’avoir le jour voulu, car ces bêtes malignes se font rares et n’ont pas envie de se faire manger. Alors, si vous passez cette commande, vous devez accepter les aléas de cette pêche presque miraculeuse et vous dire que vous ne dégusterez cette merveille que lorsque le pêcheur vous téléphonera pour vous avertir qu’il en a enfin un dans ses filets, ceux qui tout en camaïeu de bleu sèchent au soleil après chaque sortie et se font admirer sur les étendoirs.

Photo de mhaleph

lundi 18 juillet 2011

Lirecrire

J'ai mis en italique les passages qui m'ont interpellée.

Avec Siri Hustvedt


" L’aventure visuelle de la lecture correspond à celle de l’écriture. On ne peut avoir l’une sans l’autre. La lecture est active, mais l’écriture est plus active encore. Lorsqu’on invente une histoire on fait une place au lecteur dans le texte, et ceci soulève l’éternelle question de l’écriture d’un livre : qu’y mettre, que laisser en dehors ? On peut soutenir qu’il existe deux sortes d’auteurs dans le monde : ceux qui incluent tout et ceux qui excluent beaucoup […]
Ecrire des romans, c’est comme se souvenir de ce qui n’est jamais arrivé. Cela imite la mémoire sans être la mémoire. Des images apparaissent comme un territoire textuel, parce que c’est ainsi que le cerveau fonctionne. Si ignorante que je sois de la science de la mémoire et du cerveau, je suis convaincue que les processus de la mémoire et de l’invention sont liés dans l’esprit […]
J’ai fermé le livre, et j’ai eu cette pensée qui m’a choquée moi-même : « Ceci vaut mieux que la vie. » Je ne voulais pas dire cela, je ne souhaitais même pas le penser, mais je le pensais, j’en ai peur. Certainement, le fait de ressentir cela pour un livre est ce qui donne aux gens envie d’écrire. Je ne sais pas pourquoi je me sens plus vivante quand j’écris, mais c’est ainsi. J’imagine peut-être que si je gratte du papier avec assez de force, je durerai. La réalité ne suffit peut-être pas, ou peut-être la distinction entre la réalité et la fiction n’est-elle pas bien claire. On crée la fiction avec les matériaux de la réalité, après tout, y compris les rêves, les souhaits, les fantasmes et les souvenirs."
Yonder

Avec Ernest Hemingway

" Quand j’avais achevé le travail de la journée, je rangeais mon cahier ou mes papiers dans le tiroir de la table et fourrais dans mes poches les oranges qui restaient […]

C’était merveilleux de descendre l’interminable escalier en pensant que j’avais eu de la chance dans mon travail. Je travaillais toujours jusqu’au moment où j’avais entièrement achevé un passage et m’arrêtais quand j’avais trouvé la suite. Ainsi, j’étais sûr de pouvoir poursuivre le lendemain. Mais parfois, quand je commençais un nouveau récit et ne pouvais le mettre en train, je m’asseyais devant le feu et pressais la pelure d’une des petites oranges au-dessus de la flamme et contemplais son crépitement bleu. Ou bien je me levais et regardais les toits de Paris et pensais : « Ne t’en fais pas. Tu as toujours écrit jusqu’à présent, et tu continueras. Ce qu’il faut c’est écrire une seule phrase vraie. Ecris la phrase la plus vraie que tu connaisses. » Ainsi finalement, j’écrivais une phrase vraie et continuais à partir de là."
Paris est une fête

Photos de mhaleph