mardi 6 novembre 2007

Des heures et des jours

« A chaque jour suffit sa peine. »Je ne sais vraiment pas qui a prononcé cette sentence, cette phrase au goût amer, mais, sans en avoir un souvenir précis, je l’ai assez souvent entendue dans des circonstances troubles. Des circonstances où l’on tentait de masquer une certaine détresse, à demi feinte ou endormie me semble-t-il. Mais je me trompe peut-être car cela reste très lointain. A cette idée d’éloignement vient s’adjoindre celle de morale empoussiérée et désuète. Un de ces piliers de l’éducation fondée sur le respect inébranlable des conventions les plus absurdes et des douleurs, même très anciennes, soigneusement entretenues pour justifier les airs de circonstance. Douleurs dans lesquelles se complaisaient sans cesse les pleureuses professionnelles qui devaient se répandre en lamentations modulées pour être crédibles.

01 Juillet 05

Garde-robe
Aujourd’hui, j’ai fait dans le frivole – une fois n’est pas coutume – en me consacrant à ma garde-robe à laquelle j’ai imprimée une nouvelle direction plus en adéquation avec ma perception des volumes dans l’espace. Ce mot de garde-robe appliqué à un Grand du royaume ou à un Roi m’amusait beaucoup autrefois, car je me posais mille questions sur le contenu des malles de ces Seigneurs… « En histoire on ne nous dit pas tout. Pourquoi ne parle-t-on pas d’armoire ou de placard ? Il y a quelque chose là derrière. » Et c’est ainsi que j’en venais à extrapoler confusément sur les atouts du pouvoir…

02 Juillet 05


Voyage à rebours
Un voyage à rebours est un voyage sensé nous ramener en arrière dans le temps. Pourtant, lorsque je reviens sur les lieux de mon enfance, je n’éprouve absolument pas ce sentiment, mais plutôt une écrasante déconvenue à constater la progressive dégradation de cet espace où j’ai vécu mes premières années dans une insouciance absolue. Marchant à pas lents dans le jardin abandonné, je n’arrêtais pas de me dire : « Souviens-toi, souviens-toi du temps où ce bout de terre représentait tous les mystères, rassemblait toutes les énigmes et tous les intérêts, vivait nourri de ta propre histoire, se nourrissait de ton imagination fantaisiste et délirante, celle qui propre à l’enfance construit et déconstruit sans cesse mille et un univers s’annulant ou se complétant les uns les autres.» Je me rappelais sans peine la fillette vive que j’avais été. J’avançais dans l’herbe sèche et elle se perdait à présent dans le crissement de mes pas, le souffle rauque du vent et le chant des oiseaux. Elle était là, partout et nulle part, sans que je puisse la rattraper.

03 Juillet 05

Un jour endolori
Un jour endolori, c’est un jour où le corps ne répond plus et où la tête tourne en boucle sur deux ou trois choses obsessionnelles. C’est un jour où l’on vit enfermé derrière des volets clos, où l’on regarde, l’air absent, tomber la pluie derrière la vitre, où l’on est attiré par le soleil après l’orage sans pouvoir franchir le seuil et rejoindre la vie foisonnante. C’est un jour presque pour rien, un jour dont on se souvient à peine. Un jour… Lequel ? On ne sait plus…

05 Juillet 05

A propos de…
A propos de tout et de rien, j’ai posé mes mains allongées sur mes cuisses plates juste sous mes hanches. Posture insolite – que je n’avais pas observée depuis longtemps – comme pour me défroisser et reprendre fermement appui sur le sol.

06 Juillet 05

Fouilles



J’ai trié des brouillons empilés, des journaux désossés, des carnets amputés, des tonnes de papier sujet passif de mes essais, de mes coups fourrés, de mes embardées, de mes échauffourées, de mes vanités, de mes mensonges et de mes vérités, comme des excuses terrées au fond d’une cave, qui n’osent pas sortir pour prendre l’air et déployer leurs poumons pour se faire entendre.
Strate par strate, j’ai exhumé des tranches d’années. Les années à spirales où je bafouillais sur des blocs jetables. Les années reliées où je m’essayais sur des carnets cartonnés. Les années bazars où j’écrivais au hasard sur des feuillets arrachés. Les années feutrées où je m’exerçais sur des cahiers décorés. Les années pressées où je me répandais sur du papier ligné.
Tant de pages et tant d’encre ! Tant de temps et tant d’écritures, de celles qui hésitent à celles qui s’affirment, de celles qui penchent dangereusement dans un sens ou dans un autre à celles qui posément reprennent leur équilibre sans oublier les incisives. Pas de rondeurs dans ces tracés. Des dents de scie, du pointu, de l’anguleux, du prêt à bondir.
Tant d’hésitation, tant d’étonnement, tant d’amusement et tant de fureur aussi à écrire puis à relire furtivement toutes ces lignes volées au temps qui, à l’envers, se déroulait.

07 Juillet 05

Fermé pour cause d’inventaire
Il arrive toujours un moment où l’on doit faire des bilans, ce qui est nettement plus rassurant que de faire « le » bilan qui conserve un je ne sais quoi de péremptoire et de définitif. Quelque chose d’inquiétant. Les bilans provisoires ont l’avantage, eux, de se renouveler. Et nous avec.

08 Juillet 05

Flânerie de circonstance
Avec plaisir et énergie, avec prédilection et euphorie, nous avons marché dans la ville, sans nous presser. La flânerie nous a pris et nous avons pu voir ce qui est caché. Quelques îlots de verdure qui masquent des cafés et des boutiques fermées, dans un silence de jardin à l’ancienne. Des fleurs écumantes qui bordent des allées et des vélos à l’arrêt qui prennent le temps de regarder. Des cascades de feuillage, des pans entiers de chlorophylle nous ont assaillis en cette fin de journée et le soir lentement tombait sous la lumière crue des néons mettant en valeur, à l’évidence, des mondes contrastés.

09 Juillet 05

Les chats mystiques
May pense que les chats sont des animaux mystiques. N’étant pas sûre d’entendre ce qu’elle voulait traduire, je lui ai demandé de définir le plus précisément possible le mot « mystique ». Qu’entendait-elle exactement ?
May dans sa syntaxe, parfois exotique n’a pas su donner un sens précis à ce terme. Peut-être les mots lui manquaient-ils ? Faire de l’approximation sur des notions si abstraites n’aboutit jamais à rien sinon à la confusion. Elle n’a pu traduire de manière satisfaisante et nuancée cet adjectif, que l’on peut d’ailleurs substantiver. Aux prises avec la barrière linguistique, May, à ce point de son discours, a préféré parler de ses intimes convictions : selon elle, les chats vivent sur plusieurs niveaux – difficile à percevoir pour les plus complexes et les plus élaborés d’entre eux – tout comme l’homme. La difficulté principale réside dans le repérage de ces différents états. Rien n’était vraiment clarifié et les chats gardaient leur aura de mystère comme le suggérait en filigrane l’étymologie.

10 Juillet 05

Nombre pair
Au défilé du 14 Juillet la foule a applaudi à la force déployée qui rend orgueilleux et sûr de soi, aux torses bombés et aux mâchoires serrées, au regard d’airain et au pas cadencé.
Cela n’avait pas l’air sérieux. Juste un défilé de parade étalé sur un terrain de jeux. La foule enfantine ou stupide semblait vouloir jouer avec tous les petits soldats qui, avec vaillance, obstination et endurance avançaient sous le soleil, imperturbables, roides et rougis.

14 Juillet 05

Entre
Entre
Dans la pénombre
Car
Des lotus aux hiatus
Le soleil cuit
Toutes les énergies
Zen décalé
Ou air halluciné
Tout en est affecté

Entre
Dans l’ombre
Car
Des jets d’eau au bitume
Le soleil sèche
Toutes les amertumes
Clarté glacée
Ou route liquéfiée
Tout en est mal mené

15 Juillet 05


Photos et vidéo de mhaleph

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